J.O. 33 du 9 février 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis relatif à la publication des sanctions prononcées à l'égard d'une société française d'assurance


NOR : CCAS0400005V



La Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance,

Vu la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants ;

Vu la loi no 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, notamment l'article 49 ;

Vu le code des assurances, notamment ses articles L. 310-1, L. 310-12, L. 310-13, L. 310-18, A. 310-5 et A. 310-6 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 112-8, L. 562-1, L. 562-2, L. 562-7, L. 563-1, L. 563-2, L. 563-3 et L. 563-6 ;

Vu le décret no 91-160 du 13 février 1991 fixant les conditions d'application de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990, notamment son article 2 ;

Vu la notification de griefs en date du 30 mars 2004 adressée par le président de la Commission de contrôle des assurances à la société Fédération continentale ;

Vu les observations écrites présentées le 29 avril 2004 par la société Fédération continentale ;

Vu la lettre de convocation du 15 septembre 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de l'audience du 13 octobre 2004 :

- le rapport de MM. Sellam, commissaire contrôleur des assurances, et Robin, inspecteur des douanes ;

- les observations de Mme Lemery, commissaire contrôleuse en chef, chef de brigade ;

- les observations de M. Tendil, représentant la société Fédération continentale, dont il est président du conseil d'administration ;

- les observations de M. Collignon, directeur général de la société Fédération continentale ;

- M. Tendil ayant pris la parole en dernier ;

Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur place ayant donné lieu à un rapport en date du 24 septembre 2003, le service a estimé que la société Fédération continentale n'était pas en mesure de procéder à l'examen particulier des opérations inhabituelles et sans justification économique rendu obligatoire par les dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier ; qu'ainsi, plus de la moitié des apporteurs d'affaires supérieures à 150 000 euros auraient refusé de signer ou n'appliqueraient pas la procédure de lutte contre le blanchiment de la Fédération continentale ; qu'en outre, parmi ceux qui déclarent l'appliquer, très peu communiqueraient la totalité des informations et pièces justificatives qu'ils affirment détenir, et cela sans aucun contrôle exercé par la société d'assurance ; que, de plus, les opérations cumulées par un même souscripteur ne seraient pas examinées ; que, de même, la procédure interne relative aux souscriptions en provenance de l'étranger ne serait pas appliquée, la société rencontrant des difficultés techniques pour identifier ces opérations ; qu'enfin deux opérations atypiques relevées lors du contrôle n'auraient pas fait l'objet de surveillance particulière ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier toute opération importante portant sur des sommes dont le montant unitaire ou total est supérieur à 150 000 euros et qui, sans entrer dans le champ d'application de la déclaration de soupçon, se présente dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d'objet licite, doit faire l'objet de la part de l'organisme financier d'un examen particulier ; que, dans ce cas, l'organisme financier se renseigne auprès du client sur l'origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de la transaction et l'identité de la personne qui en bénéficie et consigne par écrit les caractéristiques de l'opération ;

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté qu'au moment du contrôle sur place près du quart des intermédiaires « grands comptes », dont la plupart sont des établissements de crédit, et du tiers des courtiers diffusant les contrats de la Fédération continentale n'avaient pas signé le protocole aux termes duquel ils s'engageaient à appliquer les procédures de lutte contre le blanchiment établies par l'entreprise d'assurance ; que si certains des établissements de crédit qui diffusent les contrats de la Fédération continentale faisaient valoir qu'ils étaient déjà astreints à leurs propres obligations en matière de lutte contre le blanchiment, cette circonstance, à la supposer établie, ne dispensait pas l'assureur d'exiger d'eux qu'ils appliquent, en qualité d'intermédiaire d'assurance, ses propres procédures relatives à la souscription des contrats d'assurance proposés ; qu'au surplus, parmi les intermédiaires s'étant engagés à mettre en oeuvre les procédures de lutte contre le blanchiment décidées par la Fédération continentale, certains s'abstenaient de renvoyer ces informations alors que d'autres transmettaient des fiches de renseignement insuffisamment complètes ; que, par suite, l'entreprise d'assurance n'était pas à même, dans plus de la moitié des cas, de détecter parmi les souscriptions supérieures à 150 000 euros les opérations atypiques dont l'examen est rendu obligatoire par les dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier ; que si la Fédération continentale a finalement décidé d'exiger plus fermement de ses intermédiaires la signature des protocoles d'application de ses propres procédures, allant jusqu'à suspendre ou cesser toute relation commerciale avec certains d'entre eux, la mise en oeuvre de cette décision n'est intervenue que postérieurement à l'inspection ; que, par suite, la première branche du grief est établie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté qu'à l'époque du contrôle sur place la Fédération continentale ne procédait pas à l'examen des versements ou rachats cumulés effectués par un même souscripteur ; que, par suite, la société n'était pas en mesure de détecter des opérations dont le montant total excédait le seuil précité de 150 000 euros mais qui auraient été fractionnées en plusieurs opérations d'un montant unitaire inférieur à ce seuil ; que, dans ces conditions, la deuxième branche du grief est établie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que des contrats d'assurances en provenance de l'étranger ont été souscrits alors qu'une telle souscription était pourtant prohibée par la procédure interne de lutte contre le blanchiment en vigueur à l'époque à la Fédération continentale ; qu'à la date du contrôle la société n'était pas techniquement capable d'établir une liste fiable de ces mêmes opérations ; que, du fait de cette carence dans l'application de ses procédures internes et de difficultés techniques, elle n'était pas en mesure de surveiller les opérations en provenance de l'étranger, alors que les transferts internationaux de fonds rendent les opérations plus complexes et peuvent contribuer à leur caractère atypique ; que, dès lors, la troisième branche du grief est établie ;

Considérant, enfin, qu'une personne physique (...) a souscrit auprès d'un apporteur un contrat (...) ; que l'intéressé (...) a opéré (...) une avance sur contrat (...) avant d'opérer (...) le remboursement de cette avance par l'intermédiaire d'un virement SWIFT provenant de Suisse ; que ce souscripteur a parallèlement souscrit (...) auprès du même apporteur un contrat pour lequel il a opéré (...) [des] rachats partiels (...), lesquels représentent un montant cumulé de [X millions d'euros] ; que ces opérations, en dépit de leur caractère atypique, n'ont fait l'objet d'aucun examen particulier ; que si la matérialité des faits n'est pas contestée par la société, celle-ci a fait valoir lors de son audition, s'agissant de la seconde opération, que les rachats seraient simplement apparents et imputables à une erreur répétée ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, de plus, et de façon plus générale, l'entreprise d'assurance soutient qu'elle ignorait que le remboursement anticipé d'avances pouvait être utilisé comme un moyen de blanchir des capitaux ; qu'un tel motif est cependant inopérant dès lors que nul n'est censé ignorer les obligations afférentes à son activité, d'autant qu'une mise en garde contre ce mécanisme était contenue dans les recommandations en matière de lutte contre le blanchiment diffusées par la Commission de contrôle des assurances en juin 2001, lesquelles avaient au surplus été reprises dans les procédures de contrôle interne de l'entreprise ; qu'en conséquence, la dernière branche du grief est établie ;

Considérant que la Fédération continentale, qui s'est ainsi placée en situation d'infraction aux obligations relatives à lutte contre le blanchiment de capitaux, doit être sanctionnée ;



Sur le montant de la sanction :

Considérant que, dans sa lettre du 29 avril 2004 et lors de la séance, la société a précisé qu'à l'initiative de son actuel président elle a amélioré son dispositif de détection des opérations pouvant donner lieu à soupçon, au sens de la législation anti-blanchiment, en procédant au renforcement de ses procédures internes et à la mise en place d'actions de formation de son personnel et de son réseau, et de pédagogie vis-à-vis des établissements financiers ;

Considérant que, pour tenir compte, tout à la fois, de la gravité des manquements et des efforts déployés depuis un an pour y mettre fin, il convient de limiter la sanction disciplinaire à un avertissement, cette sanction étant assortie d'une sanction pécuniaire de 300 000 euros et d'une information publique,

Décide :


Article 1


Un avertissement est prononcé à l'encontre de la société la Fédération continentale.

Article 2


Une sanction pécuniaire d'un montant de 300 000 euros (trois cent mille euros) est prononcée à l'encontre de la société la Fédération continentale.

Article 3


La présente décision fera l'objet d'une publication dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 310-18 du code des assurances.

Article 4


La présente décision sera notifiée à la société la Fédération continentale et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 13 octobre 2004.


Pour la commission :

Le président,

M. Jurgensen